ARTISTE PEINTRE

Qu’est-ce que la peinture ?

En allant dessiner au Centre culturel de Vauvert l’autre soir pour la première fois depuis longtemps, j’avais en tête la réflexion d’André Lhote opposant, pour définir la peinture, le dessin “langage spirituel” à la couleur “langage sensuel”. Qu’est-ce que la peinture ? Un dessin mis en couleurs, ou des couleurs mises en forme ?

Nicolas Poussin : Le massacre des innocents (1625)

Tous les artistes vous diront que le dessin nourrit la peinture, et que peindre, même sans dessin préparatoire, c’est une autre manière de dessiner. Mais André Lhote ravivait à sa manière la querelle qui a vu s’affronter au XVIIe siècle peintres “dessinateurs” et peintres “coloristes”. L’école Nicolas Poussin, pour qui le tracé prime, et l’école Pierre Paul Rubens pour qui la couleur l’emporte sur la forme. Les “Poussinistes” défendaient dans la peinture une vision idéalisée de la nature, alors que les “Rubénistes” y voyaient l’expression du naturalisme. Il y a du Poussin chez Ingres, et du Rubens chez Delacroix. On peut même voir du Poussin chez Picasso, qui l’admirait. Mais hormis la parenthèse de la Révolution française, où les Jacobins voyaient dans l’idéalisme et la rigidité de Poussin le reflet de leur propre code moral, ce sont les “Rubénistes” qui l’ont globalement emporté.

Que retenir de cette querelle ? Les peintures de Poussin sont un exemple de composition, réfléchie jusque dans ses moindres détails. Dans son livre “Poussin as a painter”, Richard Verdi soutient l’idée que Poussin est « le peintre des gens intelligents », mais il y voit aussi un « art intensément aspirationnel, capable d’inciter le spectateur à chercher et à habiter un monde meilleur ». L’artiste peut y trouver un modèle pour construire son tableau selon les canons classiques de la composition, mais l’usage très cérébral de la couleur rend souvent les tableaux de Poussin froids et rigides, comme empruntés, voire artificiels.

Pierre-Paul Rubens : Le massacre des innocents (1612)

Finalement, la couleur ne peut être réduite au simple ornement d’un tracé d’une perfection glaciale. Il faut admirer l’architecte Poussin, et célébrer le bouillonnant Rubens.